Ils n’ont pas traîné ! MediaCités, nouveau pure player multiville lauréat du prix des Têtes Chercheuses en novembre 2016, vient de boucler une campagne de crowdfunding et va débarquer à Lyon en mai 2017. Lancé à Lille en 2016, il sera aussi présent sur d’autres villes du territoire comme Nantes ou Toulouse. Estampillé investigation, ce nouveau média entièrement sur le web aura la particularité d’être payant, dans un souci d’indépendance rédactionnelle. Présentation de MediaCitésLyon et point d’étape de la presse lyonnaise avec Nicolas Barriquand, rédacteur en chef local.
La genèse de MediaCités est lilloise. Comment s’est passé ce lancement ?
On s’est lancé sans être vraiment prêt à Lille. On publie depuis le 1e décembre et on a vraiment conçu cette implantation comme un test. Déjà pour voir si les intuitions que l’on avait se confirmaient auprès des lecteurs. Pour donner un exemple, on est parti sur l’idée d’une publication assez rare, avec un rendez-vous hebdomadaire, en ne sachant pas trop si sur internet c’était trop peu ou suffisant. On avait des débats en interne sur cette périodicité. Finalement on a eu des retours de lecteurs nous disant « ce rythme est suffisant, on est énormément sollicités, au moins ça donne un rendez-vous ». Cette périodicité, on l’a validée par ce test à Lille. Après sur le créneau de l’investigation, de l’enquête, on fait un bilan plutôt positif de ces premiers mois à Lille. On a eu des reprises locales de nos articles, des enquêtes qui ont marqué les esprits, donc ça nous a plutôt confortés.
À Lille, vous êtes tout de suite parti sur un modèle payant ou d’abord en accès gratuit ?
C’était gratuit les trois premiers mois mais il fallait quand même se créer un compte abonné : « les portes ne sont pas grandes ouvertes car le site ne sera jamais en accès totalement libre, mais vous pouvez créer un compte abonné et on ne vous demande pas le code de votre carte bleue avant le 1e mars ». Au début, il y avait aussi peu d’articles sur la page d’accueil, donc c’était compliqué de demander 6€ pour aussi peu de contenu (rire). Et c’était une manière de nous faire connaître. La fin de la gratuité a coïncidé avec le début de la campagne de crowdfunding sur Ulule.
Combien d’abonnés à Lille ?
Sur les trois premiers mois, 1700 personnes ont fait la démarche de se créer un compte abonné. Et à l’heure de vérité, soit le 1e mars, date du passage au payant, nous étions aux alentours de 300 abonnés. Et les plus de 400 donateurs de la campagne Ulule seront à la fin de la campagne directement abonnés. On proposait des formules de 1 mois, 6 mois, un an dans les contributions. Depuis la fin de la campagne Ulule, nous en sommes aujourd’hui à plus de 800 abonnés, et nous nous approchons gentiment du millier.
En contenu, on va sortir une nouvelle vidéo, nous avons organisé un grand débat début avril à Lille avec plus de 200 personnes présentes…
L’équipe lilloise était composée de journalistes lillois ?
Nous sommes sept fondateurs dans l’équipe nationale : parmi eux Jacques Trentesaux qui est le directeur de la publication, ancien rédacteur en chef à L’Express et qui est à l’origine du projet. C’est lui qui a eu l’idée et qui nous a embarqués dans l’aventure MediaCités. Il est originaire de Lille, il couvrait le Nord-Pas-de-Calais pour L’Express. Il passe la moitié de son temps là-bas, c’est la raison pour laquelle on s’est d’abord lancé à Lille : il connait très bien la ville. On va fonctionner de la même manière dans les autres villes : on va faire appel à des pigistes locaux. Une partie des articles sera faite par nous sept (à Lyon, ce sera principalement moi), mais on a déjà passé commande à quelques journalistes, à Lyon, à Toulouse, et à Nantes où il y a eu une réunion de rédaction il y a quelques semaines.
Vous en avez aussi organisée une à Lyon il y a quelques temps…
Oui, au Club de la Presse, fin janvier. C’était en même temps une réunion d’information où j’ai rencontré pas mal de pigistes pour leur parler du projet, pour voir qui était intéressé… Les premières idées de sujets sont remontées aussi, on a passé quelques commandes… les choses se mettent en place petit à petit.
À Lille, donc, on travaille maintenant avec une dizaine de pigistes. Certains commencent à signer leur 2e ou 3e enquête à MediaCités depuis le lancement. L’idée est de fidéliser une petite équipe de pigistes à travers les villes, même si ça ne représentera jamais 100% de leur travail car on est sur une parution assez rare.
A Lyon, c’est un peu différent mais on a fait le constat que dans beaucoup de villes ou de territoires, il y a des pigistes qui sont spécialistes soit d’un domaine, soit de leur territoire pour des titres de la presse nationale. Et leurs connaissances ne sont qu’en partie exploitées parce que le titre pour lequel ils correspondent ne souhaite pas forcément entrer autant en détail dans des sujets qui sont jugés trop locaux, trop régionaux. Du coup il y a une connaissance et une matière qui se perd.
Au cours de la campagne de crowdfunding lancée sur Ulule, vous avez senti un intérêt au projet, de la part des lecteurs ? A Lille, y avait-il déjà une offre de web payant ?
Oui, à Lille il y a un journal qui se rapproche un peu de Salade Lyonnaise, mais en plus sarcastique, DailyNord. Un site internet payant, très politique, qui raconte un peu les coulisses de la politique locale. On les a rencontrés assez longuement avant de lancer MediaCités à Lille. Je pense qu’on est complémentaire à ce site-là : on traite de sujets politiques, mais on ne souhaite pas se limiter à ce thème. D’ailleurs, les premières semaines on s’est efforcé de couvrir d’autres champs pour justement ne pas envoyer le message qu’on était un média cantonné à cette sphère-là. On s’est intéressé à des sujets économiques, environnementaux, énergie… Le foot aussi, avec le rachat du LOSC, même si c’était sous un angle économique.
Pour Lyon, on retrouvera ces mêmes thématiques économiques, politiques…?
Oui, ainsi que des sujets sociétaux… L’idée est de ne s’interdire aucun domaine. Ça peut aller de l’environnement, la culture, le sport… Notre idée est d’appliquer une démarche d’enquête à tous les domaines donc oui, on s’intéressera à la politique mais ce sera juste un domaine parmi d’autres.
Dans les projets d’implantations à venir, Marseille ou Paris sont-ils envisagés ? C’est surprenant de ne pas les voir dans la liste de villes en projet diffusée sur le site de MediaCités.
Il n’y a pas Marseille déjà parce que dans les sept fondateurs de l’équipe, aucun ne connaissait Marseille. Donc on s’est dit qu’on allait attendre de recruter quelqu’un qui connaissait cette ville avant de s’y implanter. Et surtout, il y a déjà Marsactu qui est pile sur le créneau que l’on veut occuper : ils sont sur abonnement, sur un positionnement enquête, ils ont des collaborations avec Médiapart comme nous en avons aussi à Lille… Donc pour l’instant on fait l’impasse sur Marseille car il nous semblait inutile d’y être en concurrence avec Marsactu. On va aller voir d’autres villes avant de penser à s’y installer.
Pour Paris, une des motivations du projet est de dire que la presse nationale est trop parisienne. On a fait le constat qu’il y a déjà beaucoup de journalistes en région parisienne, alors qu’il y a un manque médiatique en dehors de Paris. Donc quel serait l’intérêt d’y lancer un MediaCités ? Pour l’instant on ne le voit pas.
Dans l’idée, on a un plan de développement sur trois ans, au bout duquel on est lancé dans dix métropoles en dehors de Paris. Mais comme tout plan de développement, il est adaptable aux aléas…
Sans parler du print local, peut-on parler de concurrence ou de complément aux médias lyonnais présents sur le web ? Lyon Capitale existe en version papier mais en mensuel, donc la relation avec le lecteur passe peut-être plus par internet. Et le seul payant local, le concurrent le plus direct en terme de format serait Salade Lyonnaise même si vous n’avez pas la même organisation rédactionnelle… Quelle serait votre « plus-value » ? Dans votre manifeste, outre cette étiquette « investigation », vous parlez de pédagogie, par exemple…
Salade Lyonnaise est adossé à une rédaction print. Dans les autres payants, on trouve aussi La Tribune/Acteurs de l’Economie, qui passe en payant en ce moment, mais qui est peut-être moins grand public. Concernant l’investigation, on entend ce terme comme une démarche qui ne doit pas se limiter à la dénonciation. Elle est nécessaire dans certains cas sur certains sujets, mais ça doit aller au-delà. On doit aller vers l’explication, la contextualisation, voire même la proposition d’alternatives sur certains sujets. Pour prendre un exemple, à Lille, on a sorti plusieurs articles sur le fameux repreneur du LOSC, Gérard Lopez, et on a complété avec une longue interview avec un sociologue du sport qui décrypte les enjeux sur la place de la financiarisation dans le football, la place du sport dans la société, les rapports d’un club avec ses supporters, la folie des grandeurs sur la construction des grands stades – qui pourrait s’appliquer à Lyon d’ailleurs… l’idée n’est pas de s’en tenir à « Gérard Lopez, homme d’affaire sulfureux qui passe par des paradis fiscaux ». On est allé plus loin que ça. C’est l’idée d’aller vers l’explication, au-delà de l’investigation.
Après, sur le paysage lyonnais, Lyon par rapport aux autres villes a une presse plus fournie que d’autres régions. Tant mieux et c’est plutôt logique, on est quand même dans la deuxième agglomération de France.
Notre créneau est de proposer un média sur abonnement, avec un lien fort avec les lecteurs, ce qui nous différencie des modèles gratuits qui sont sur un modèle publicitaire. Et ce qui nous différencie aussi avec Salade Lyonnaise, c’est qu’on sera peut-être complémentaire. Même s’ils sont une référence pour les élus, pour le monde politique et pour les observateurs du monde politique, nous serons sur une autre temporalité. Sur certains sujets, on fera peut-être la course avec d’autres médias, mais après tout tant mieux, le pluralisme de la presse est une stimulation.
LyonMag suit aussi beaucoup l’actualité politique locale
C’est vrai, même si je suis un peu moins LyonMag depuis que Slim Mazni n’est plus chez eux…

Bidule (DR MediaCités)
Nous sommes beaucoup à regretter de ne plus le lire. Concernant Lyon, mon avis qui n’engage que moi est qu’il y a peu de culture de l’investigation du niveau justement de Slim Mazni. À la limite, Antoine Comte avec Salade Lyonnaise a repris ce flambeau de l’investigation, mais sous une autre forme. Le travail qu’il a réalisé lors des Municipales 2014 était à ce sujet assez intéressant…
Et pourtant un Fabrice Arfi vient de Lyon.
Mais il n’est plus à Lyon. Donc se lancer sur l’investigation à Lyon avec une équipe de journalistes lyonnais qui ont peut-être une culture lyonnaise type « il y a des sujets qu’on aborde… et d’autres qu’on n’aborde peut-être moins » me semble un joli défi. Comment comptez-vous travailler avec cette étiquette investigation en prenant en compte ce paramètre ?
Tu penses que le contexte local n’est pas forcément propice à ce positionnement-là ?
Disons qu’à Lyon et quelques autres grandes villes bourgeoises comme Bordeaux, il y a du frontal et une arrière-boutique, des coulisses où tout se joue, dont on dit très peu dans la presse. Où plus on s’approche des centres de pouvoir, moins in parle. Je reprécise que c’est ma vision de Lyon, qui n’engage que moi, et que je ne dis absolument pas qu’il faut dénoncer pour dénoncer.
Effectivement on arrive dans un contexte lyonnais qui est particulier, et la précarisation du métier fait que des gens comme Slim n’arrive plus à trouver de place dans les rédactions peut-être à cause de leur spécialisation. Il y a eu d’autres journalistes, comme Olivier Bertrand pour Libération Lyon (aujourd’hui co-fondateur de LesJours.fr) qui avait une connaissance approfondie de Lyon et qui a fait du bon boulot… On verra bien. On n’a pas de motivation partisane, ce serait de toute façon suicidaire en étant un média local présent dans plusieurs villes de rouler pour un élu de droite dans telle ville et pour un élu de gauche dans telle autre. Ce n’est pas notre tempérament, parmi les fondateurs, de se conformer aux visions d’un bord ou d’un autre.
Lyon a aussi une autre dimension : c’est une ville qui attire énormément de monde, qui viennent de l’extérieur, et qui créent leurs propres réseaux, qui ne partagent pas ou ne s’assimilent pas forcément à la culture lyonnaise traditionnelle. Pour faire court, les cercles d’un côté catholique, d’un autre franc-maçon, etc., où tout le monde se connait et s’arrange entre soi. Il y a aussi une bonne partie des lyonnais, entre autres dans la nouvelle économie numérique, qui n’est pas originaire de ces « grandes familles lyonnaises », qui ne connait rien à cette culture lyonnaise, ses codes… Notre ambition est d’aller raconter l’envers du décor, de comprendre pourquoi telle décision est prise, tel investissement est voté… Il s’agit d’expliquer, même si on est amené à révéler parfois des informations qui étaient cachées jusqu’alors. C’est aussi le rôle d’un média, d’un journaliste.
L’autre originalité de MediaCités, c’est d’être multiville. Par exemple, Rue89Lyon qui est sur un modèle gratuit et publicitaire, fait des enquêtes mais publie aussi de l’info culturelle via du partage de contenu avec la rédaction du Petit Bulletin. Rue89 est présent dans plusieurs villes, mais à l’origine chaque déclinaison (Lyon, Bordeaux, Strasbourg) est portée par des groupes de journalistes indépendants les uns des autres. Alors que nous sommes une rédaction unique multiville, qui s’implantera à terme dans dix villes, comme on le souhaiterait. Il y a à la fois cette double dimension de média local et de média ou réseau national. Avec la volonté certaines semaines de faire des enquêtes sur des sujets communs à plusieurs villes. Un « réseau national d’investigation locale ». C’’est l’idée.
Vous allez proposer une même enquête dans plusieurs villes ?
On souhaite traiter une même thématique à toutes les villes dans lesquelles on est présent. Par exemple, on n’est pas obnubilé par le foot, mais si on avait été présents en 2016, on aurait pu imaginer une enquête sur la construction des grands stades pour l’Euro à Bordeaux, à Lyon, à Lille, à Nice… avec une partie comparative des PPP entre telle et telle ville (comment ça se passe, combien ça coute, combien ça a couté au contribuable bordelais, lyonnais…)…
Il y a des sujets pertinents comme ça qui peuvent être traités simultanément sur plusieurs villes. Finalement, on est dans une ère de métropolisation où les agglomérations concentrent de plus en plus de pouvoir, on vit une nouvelle étape de la centralisation avec la loi NOTRe… Il y a une réorganisation du territoire aussi bien politique que démographique autour de ces métropoles. Et les villes ne sont pas toutes de taille comparable, mais sont toutes confrontées à des mêmes problématiques. Il peut être pertinent d’enquêter sur celles-ci en parallèle sur plusieurs villes, et d’avoir cette dimension comparative.
Le fait de faire des études comparées, ça permet de sortir du lyonno-lyonnisme potentiel des lecteurs lyonnais ? Cette présence « multilocale »permet d’apporter des points de comparaison pour prendre du recul sur des situations, des actualités ?
C’est ça, c’est cette volonté. C’est parfois un peu artificiel de distinguer média national et média local. Il y a certaines thématiques qui sont hyperlocales et qui n’intéresseront pas les lecteurs d’autres villes, mais il y a plein de choses qui se passent au niveau local et qui sont intéressantes bien au-delà du territoire où ça se passe. je pense qu’avec MediaCités, on se positionne à l’endroit parfait pour nationaliser des sujets qui resteraient locaux.
Comment allez-vous couvrir les périodes d’élections ?
On a fait le choix de lancer MediaCitésLyon après les présidentielles, parce que sinon on allait passer complètement inaperçu (rires) ! On va parler des législatives et enquêter sur les candidats, sur les thématiques qui vont émerger pendant la campagne. Ensuite ce seront les sénatoriales… Et en 2020, l’élection métropolitaine inédite sera aussi intéressante à suivre à Lyon… On va couvrir toujours avec cette approche de ne pas coller à l’actu au jour le jour, avec cette périodicité un peu plus espacée.
Quel sera le périmètre géographique de couverture de MediaCitésLyon ?
Au-delà du territoire métropolitain. On souhaite traiter tout sujet qui pourrait intéresser un habitant de l’agglomération lyonnaise. Ça peut donc être aussi Saint-Etienne, si ça a un lien avec les lyonnais. La métropole lyonnaise est un peu étriquée dans ses limites administratives donc on ne s’interdira pas de traverser ses frontières si le sujet a une importance aux yeux d’un lecteur de Lyon.
En plus du texte, tu as parlé de vidéo, vous mentionnez le datajournalisme, le fact checking… On est potentiellement sur du journalisme à 360°, ou du webjournalisme selon les paroisses. L’idée c’est d’être sur plusieurs formes ou formats différents ?
Sur la forme, on aimerait évoluer sur un peu plus de multimédia. Pour l’instant, on a une forme très classique avec 90% d’articles. On a publié à Lille un diaporama d’un photographe professionnel, on a aussi publié un son et pour l’instant c’est tout. Actuellement, On a un illustrateur qui a fait notre personnage – qu’on appelle Bidule – et qui nous sert principalement à illustrer toute l’actualité autour du site et les tribunes de lecteurs ou d’associatifs qui ont été publiés. Nous sommes en discussion avec une illustratrice pour un reportage BD. On a discuté aussi de publier un roman-photo mais ça ne s’est pas fait. Mais on aimerait bien monter en puissance sur l’aspect multimédia, même si prime avant tout le fond sur la forme. Mais on est sur internet, donc on peut se permettre beaucoup de choses.
On est en train de développer une approche qui est de traiter certains sujets avec un angle datajournalisme. Par exemple, On l’a fait sur la politique cyclable de la métropole de Lille, avec une carte participative relevant les points de blocage relevés par une fédération locale d’utilisateurs de vélo, etc. On a fait d’autres cartes, comme la vente du patrimoine de la ville de Lille… mais pour l’instant c’est très timide. On est loin de ce que fait Datagueule ou d’autres acteurs du datajournalisme, mais c’est une ambition. On s’est pour le moment plus concentré sur les sujets, à être identifié et reconnu comme un journal d’investigation avant de partir sur de la production vidéo, d’infographies élaborées… Mais c’est au programme.
Rue89Lyon travaille plutôt bien le datajournalisme, avec notamment Bertand Enjalbal…
oui, ils font de bons trucs.
L’autre point que je voulais aborder, c’est le lien avec le lecteur. Mon référent pour la presse payante, Salade Lyonnaise, avait tenté à son lancement en V2 payante une tribune ouverte aux lecteurs. Antoine Comte m’avait proposé après notre interview d’inaugurer cet espace. Et mon billet fut le seul publié, car apparemment il n’y a pas eu d’autres propositions de lecteurs. Depuis, cette chronique a disparu du site. Pour MediaCités, le lien avec le lecteur passera-t-il par une expérience identique ? Par ailleurs, il y a peu de commentaires de lecteurs aux articles de Salade Lyonnaise, ce qui me surprend par rapport au nombre de réactions aux articles de LyonMag, par exemple. Par quoi va passer ce lien ? Des événements comme vous en proposez à Lille ?
Pour le lien avec le lecteur, on a ouvert un espace qui s’appelle Le Forum, où l’on publie des tribunes. Et effectivement, il n’y a qu’un seul lecteur, consultant en innovation sociale, qui nous a envoyé une tribune, qu’on a publiée. Peut-être que ça va changer, mais pour l’instant il faut aller chercher les gens pour leur proposer d’écrire une tribune dans le prolongement d’une enquête. Par exemple, On a publié une enquête sur la centrale nucléaire de Gravelines, et on est allé solliciter une association qui plaide pour la transition énergétique en leur demandant leurs solutions. On a publié leur tribune une semaine après cette enquête sur la centrale et ça prolonge le débat. Encore une fois, on n’en reste pas à la dénonciation de la vétusté d’un site industriel, on s’intéresse aux solutions esquissées par la société civile et on est allé chercher cette tribune, elle n’est pas venue toute seule.
Ça ne m’étonne pas trop, ce constat sur Salade Lyonnaise. Lorsque l’on fait une enquête d’opinion, les gens disent qu’ils aimeraient donner leur avis, mais quand on ouvre les portes il n’y a pas tant de personnes que ça qui vont se mettre devant leur ordinateur pendant 2h ou une soirée entière pour rédiger un texte. On pense que ça demande un petit effort pour aller chercher ces tribunes, mais ça permet de construire un lien fort avec les lecteurs. Et ça donne la parole à des associations qui n’ont pas forcément leur place dans la presse quotidienne régionale, et qui pourtant sont de très bons connaisseurs de leur territoire ou des thématiques de ce territoire. Je pense que les réseaux associatifs sont une mine de sujets et d’experts sur de nombreux domaines. Et avec MediaCités on veut aussi s’adresser à ces mouvements, ces personnes qui sont impliquées dans la vie de leur cité. Donc ça parait logique de leur ouvrir de la place sur le site par le biais de ces tribunes.
L’autre forme de lien avec les lecteurs, c’est l‘organisation de débats. Dans le prolongement des enquêtes que l’on publie, comme on l’a fait toujours à propos de cette enquête sur la centrale de Gravelines. Un autre débat a été organisé début avril à Lille sur le rôle des médias dans la démocratie, dans le cadre de la Journée pour la Liberté de l’Information proposée par Reporters sans frontières et le collectif « Informer n’est pas un délit ». Il était animé par Jacques Trentesaux, avec un plateau comprenant un directeur général de la Voix du Nord, le rédacteur en chef de France3 Hauts-de-France…
L’idée est d’organiser régulièrement – une fois tous les mois ou tous les deux mois – et dans chacune des villes des rencontres autour de débats avec des intervenants invités, où on convie nos lecteurs… Ce sont des moments de rencontre entre les journalistes de MediaCités et nos lecteurs.
Ce lien peut aussi passer par la sollicitation de ces lecteurs lorsque l’on hésite sur des thématiques d’enquêtes. Un peu ce qu’avait testé de manière novatrice l’éphémère pure player grenoblois Particité, qui faisait voter ses lecteurs sur les sujets d’enquête. Je ne sais pas si on ira jusqu’à faire voter pour le choix des enquêtes, mais en tout cas on peut sonder. C’est ce qui est chouette avec les abonnés, c’est qu’on peut les impliquer plus que les simples visiteurs de sites gratuits.
Au-delà de la qualité du contenu, la communication est inévitable pour se faire connaitre. Quels usages ferez-vous des réseaux sociaux sur lesquels vous êtes déjà présents, et y aura-t-il une application mobile ?
Une appli est prévue mais pas à très court terme, pour des raisons de budget. On a développé un site très efficace en responsive design pour une optimisation sur les terminaux mobiles. Mais l’appli sera un passage obligé, les usages font que l’on consulte de plus en plus sur les téléphones portables.
Pour les réseaux sociaux, on est présent sur Facebook et Twitter, et on vient d’ouvrir un compte Linkedin. Facebook, on l’aborde avant tout comme un miroir du contenu du site, alors que Twitter est plus utilisé actuellement comme un vecteur de communication sur le projet. On tweete le contenu du site, mais on tweete aussi l’avancée du projet, la campagne Ulule…
Avec ce mode « multiville », il y aura une seule page Facebook pour l’intégralité des rédactions ?
Il y a la page MediaCités sur laquelle sera posté le contenu de toutes les villes, et il y aura une page Facebook par ville pour les lecteurs qui ne souhaitent suivre que l’actualité de leur ville. C’est le même fonctionnement sur Twitter, avec un compte national qui poste ce qui se fait dans chacune des villes, mais celui qui ne souhaite suivre que l’actu de Lyon ou Toulouse va suivre le compte MediaCitésLyon ou MediaCitésToulouse.
Et le site ?
Techniquement ce sera un site unique mais il y aura ensuite une entrée par ville. L’abonné configure son compte, et sa porte d’entrée : Lyon, Toulouse… Mais les abonnés ont accès à tout le contenu de toutes les déclinaisons par villes. C’est pour ça qu’au début on avait fait trois mois gratuits, car il n’y avait que Lille, mais au fur et à mesure pour le même prix il y aura de plus en plus de contenu disponible.
Parlons de toi. Tu es du coin ?
Je suis né à Roanne, dans l’arrière-pays, on va dire ! J’ai fait mes études à Lyon pendant 4 ans, donc je connais. Ensuite, j’ai pigé pour L’Express, L’Expansion.com, Médiapart, WeDemain… Pour L’Express, je travaillais avec le service Régions donc j’étais tout le temps en vadrouille – et souvent en Rhône-Alpes. J’ai beaucoup travaillé sur les fonctionnements de collectivités et les sujets qui traitent d‘enjeux régionaux. Je n’étais pas sur une couverture nationale de sujets, donc ça sert forcément. J’ai aussi eu une expérience en Asie, où j’étais correspondant pour plusieurs rédactions. On peut peut-être faire un parallèle sur le fait que je serai le correspondant lyonnais de MediaCités.
Ce poste en Asie a même abouti à la parution d’un livre…
Sur la liberté, ou plutôt l’absence de liberté, de la presse vietnamienne, oui.
Tout ce parcours, en quoi va-t-il te servir pour MediaCitésLyon, aussi bien en journalisme pur que pour l’architecture et la logistique du projet ?
C’est un projet porté par des journalistes… et on s’improvise chefs d’entreprise, sept associés à parts équivalentes. On apprend beaucoup, on fait de nombreuses tâches qui ne sont pas du journalisme comme les rendez-vous avec des avocats, la rédaction des statuts de la société, des points techniques sur l’organisation du site internet, les moyens de paiement, les CGV… On a la chance d’avoir dans l’équipe Jacques Trentesaux qui a fait une formation en management des médias, sur l’entreprenariat dans le milieu de la presse. Il a ajouté une corde à son arc de journaliste en ajoutant toutes ces approches d’élaboration de business plan, de modèles économiques de la presse… C’est une grosse valeur ajoutée au sein de l’équipe pour développer une société parce que tu peux avoir les meilleures idées du monde et les meilleurs journalistes, se lancer dans un projet entrepreneuriale nécessite quand même de maitriser certaines bases comme faire un plan de trésorerie, savoir se vendre… Donc on apprend, on ajuste…
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