Les journalistes de MédiaCités donnent rendez-vous à ses lecteurs ce jeudi 8 février 2018 sur la presqu’île, l’occasion de rencontrer ses fondateurs et l’équipe du pure player multiville d’investigation dont l’édition lyonnaise est présente depuis mai 2017. Votre serviteur ne pourra hélas s’y joindre, mais on vous propose de revenir sur la précédente et encore fraîche rencontre de décembre 2017, animée par Jacques Trentesaux, le directeur de la publication, et Nicolas Barriquand, « redchef » de MédiaCitésLyon et régional de l’équipe. L’occasion de revenir sur le projet éditorial et le modèle économique. Compte-rendu (parfois commenté).

(DR MediaCités)
MédiaCités, chiffres et palmarès :
La première enquête de Médiacités a été publiée à Lille le 1e décembre 2016. Après un peu plus d’un an d’existence, MédiaCités c’est :
- 1,5 millions de pages vues
- 10 000 abonnés à la newsletter
- 1 500 abonnés payants (majoritairement annuels, une offre mensuelle est aussi disponible)
- 8 000 abonnements découverte 24h
La qualité du projet et des enquêtes proposées ne sont pas non plus passées inaperçues :
- 2016 : prix Les Têtes Chercheuses, décerné par le Club de la presse de Lyon et sa région
- 2017 : prix de l’Innovation Numérique éditoriale, décerné par La Presse au Futur
- 2018 : Prix éthique du contre-pouvoir aux féodalités locales, décerné par l’association Anticor
Un bilan général de la presse et la relation aux lecteurs
Jacques Trentesaux a rappelé ce triste constat : la profession de journaliste n’est pas la plus appréciée dans les sondages d’opinion, côtoyant la fonction politique dans la fin des classements. Un métier mal-aimé, donc, et dont le lien local et la confiance avec le lectorat s’est réduit :
- les titres nationaux cassent leurs réseaux de correspondants locaux (souvenez-vous, Le Figaro Lyon ou LibéLyon, ce n’est pas si loin pourtant),
- la presse quotidienne régionale peine à publier des dossiers sensibles à cause de ses liens d’affaire avec les secteurs économiques et politiques qui sont par ailleurs de gros clients acheteurs d’espaces publicitaires. « La PQR n’assume plus son rôle d’enquêtes : elle reste souvent dans le commentaire de l’actualité et dans le fait divers. »
Le lecteur a lui aussi évolué :
- le lecteur est habitué à la gratuité de l’information (un sujet abordé sur ce blog et qui mériterait une actualisation), le modèle payant ne lui est pas encore habituel,
- dans une société de l’immédiateté et du vite consommé, demander 15 minutes d’attention pour la lecture d’une ou deux enquêtes n’est pas une mince affaire
- dans le déluge d’informations proposées, se pose le problème de la qualité des sources ainsi que des algorithmes qui mettent en visibilité les articles (par exemple, le but de Facebook est de gagner de l’argent, pas la misanthropie)
En commentaire personnel, j’ajoute ceci :
- la place grandissante de la consultation sur mobile rend de plus en plus indispensable l’application et le webresponsive pour les médias de longs formats (coucou MédiaCités, évidemment, mais aussi Rue89Lyon, hashtag lobbying). Sans forcément déployer des montagnes de programmation, il existe des solutions techniquement simples et peu onéreuses pour arriver à un premier objectif à court terme selon moi : placer une icône de raccourci sur l’écran de smartphone
- concernant la qualité des sources, et le sujet des fake news qui en découle, j’irais plus loin : le sujet de fonds est l’éducation, la formation aux médias, devenue nécessaire. On espère parler bientôt des actions de l’équipe de Rue89Lyon en ce sens.
MédiaCités : le projet rédactionnel et éthique
Jacques Trentesaux a rappelé le concept initial de MédiaCités :
- un média multiville avec un réel ancrage local (actuellement : Lille, Lyon, Toulouse et Nantes)
- un journalisme d’artisan, dont la déconnexion avec l’actualité chaude permet de prendre le temps de creuser les sujets. De faire de l’enquête, la raison d’être de MédiaCités
- rappel important qu’un scoop n’est pas qu’un scandale : c’est aller au fond des sujets, comme dans le cas de la transidentité.
L’arrivée de MédiaCités a été bien perçue dans le « milieu » journalistique lyonnais : « ça réveille les autres rédactions ». Et ça a suscité des propositions d’articles par des journalistes qui ne pouvaient publier certains sujets sensibles dans les colonnes de leur employeur habituel… et qui soulève le sujet très intéressant de la répartition des rôles des médias présents localement.
Enjeux démocratiques d’une presse indépendante
MédiaCités se veut aussi un média citoyen, considérant que « les habitants sont mal informés sur les gros dossiers, les grands enjeux comme la métropolisation des villes : le désengagement citoyen est un cancer de la démocratie. Avec des citoyens éclairés et engagés, on retrouve une dimension démocratique ». Les lecteurs engagés dans la vie de la cité sont en demande d’articles plus approfondis, un besoin auquel MédiaCités souhaite pallier, donc. Un rôle de contre-pouvoir assumé.
Des projets d’enquêtes collaboratives, s’appuyant sur les connaissances et informations des lecteurs sont en réflexion, certains sujets discutés lors de la conférence hebdo des rédactions (via Skype, distance entre les villes oblige) émanant déjà de propositions des abonnés. Dans cette optique de renforcer le lien, une plateforme de chat a rejoint la page d’accueil du site.
L’enjeu démocratique se décline aussi sous une autre forme : celui de cette implantation locale. « Les villes sont tenues par un microcosme de 200 ou 300 personnes, qui ont intérêt à s’entraider » (l’actualité lyonnaise le démontre de manière récurrente). Ce besoin de contrôle sur ce microcosme, ses liens, sont l’un des sujets de veille de la rédaction, et qui a notamment été traitée à Lyon lors d’une enquête dédiée aux liens entre… les journalistes et les cercles politiques !
Parmi les questions du public : « n’avez-vous pas peur d’intégrer un microcosme castrateur ? ». La réponse de Jacques Trentesaux : « j’ai juste envie de faire mon métier ». Le cadre de cette démarche et de la méthode est défini dans le Manifeste et la Charte du journal ou des procédures simples : lorsque que la proximité des sources peut poser problème pour aborder un sujet, on le donne à un autre journaliste du réseau qui pourra le traiter plus librement.
Un modèle économique vertueux mais à pérenniser
C’est le modèle économique basé sur l’abonnement qui garantit l’indépendance de MédiaCités. Une indépendance d’autant plus nécessaire en pleine ère de concentration des médias : « 85 % de la presse dans les mains de 8/9 personnes dont l’activité principale n’est pas la presse ».
Les coûts fixes (web, juridique) sont répartis sur chaque antenne locale. Plus il y a d’éditions, plus les coûts sont réduits. Le premier poste de dépense concerne la couverture juridique en cas de procès, pour un montant de 12 000€. Une nécessité face aux répétitions de « poursuites-baillons » déséquilibrées, remember l’affaire Bolloré-Bastamag.
Si l’objectif est d’atteindre un volume sécurisant d’abonnés, MédiaCités lance aussi une ouverture de 30% de son capital pour financer sa croissance. Cette vente de titre (500 € l’unité) est ouverte au public via le site Happy Capital, et vise les 350 000€ pour financer sa croissance. Point non négligeable, son statut de Société Solidaire de Presse permet de faire bénéficier aux futurs acquéreurs de réductions fiscales de titres comprises entre 30% et 50% selon le montant investi.
Cette levée de fonds sera déterminante pour le lancement de MédiaCités dans d’autres villes comme Bordeaux, Rouen, Montpellier… ou Bruxelles. Et plus il y a de villes dans le réseau, plus les frais fixes sont partagés. Ce modèle vertueux, une fois de plus.
Les partenariats, un autre axe de développement
MédiaCités a noué des partenariats plutôt qualitatifs : l’équipe est à retrouver périodiquement dans l’émission Secrets d’info sur France Inter, et des collaborations ont déjà eu lieu avec le site Médiapart, nourrissant la réflexion sur des abonnements couplés pour les deux pure players.
En attendant d’autres informations surprises ? Pour le savoir, rendez-vous ce jeudi 8 février…
Rencontre avec l’équipe de MédiaCités
jeu. 8 février 2018, 19h-20h30
La Loggia, 21 rue Auguste Comte 69002 Lyon (M° Ampère-Victor Hugo, ligne A)
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