Peinture Fraîche #4 : le street-art à l’heure des résistances et du futur

L’édition 2022 de Peinture Fraîche continue de creuser son sillon, entre découverte des précurseurs du mouvement et artistes à la pointe du genre et de l’innovation. Et si son directeur artistique Cart’1 et les artistes intègrent toujours plus la technologie dans leurs travaux, le propos des invités se fait plus sombre, en miroir de notre époque.

Cart’1, directeur artistique de Peinture Fraîche

La 4e édition de Peinture Fraîche s’est enfin libérée des contraintes du Covid, entraînant un réaménagement de l’espace. Fini le circuit imposé et les containers réhabilités. Le hangar donne la pleine mesure de sa superficie et, de fait, semble un peu moins garni que l’an dernier. La zone centrale est occupée par les bureaux du staff, installés dans deux grands bus vintage.

L’autre première impression qui frappe est l’absence d’une masterpiece magistrale, qui accrocherait l’attention au premier coup d’œil. D’autant que les aphorismes de La Dactylo font difficilement concurrence à ceux de Petite Poissonne. Mais il vaut mieux se méfier des apparences, tant le millésime 2022 nécessite un peu plus d’efforts pour s’apprécier à sa juste valeur.

« Lyoncorico »

Déjà, car son directeur artistique Cart’1 continue de faire la part belle au numérique, lui qui précise que la technologie est « dans l’ADN » de l’événement. Ainsi, l’application mobile semble plus que jamais nécessaire cette année. Avec votre mobile face à l’œuvre, vous pourrez ainsi consulter une bio de l’artiste ainsi que d’autres travaux, pour contextualiser son style. Sur cet emplacement, vous pourrez aussi revoir les œuvres des éditions précédentes.

Concernant l’application, attention aux galères… Il faut bien prendre la version 2022 (et non les précédentes, comme la version #3 présentes sur le visuel) et s’armer de patience : l’appli pèse 396 Mo en téléchargement et va occuper près d’ 1 Go sur votre téléphone, en tout cas dans sa version Android… Lien Google Play ici et Applestore là. Et on vous suggère de l’installer dehors et non dans le hangar, car le bâtiment bardé de poutres métalliques et toit en tôle n’aideront pas à la qualité de votre connexion.

Si vous appréciez un artiste mais n’avez pas les moyens de vous offrir l’une de ses œuvres, l’une des autres nouveautés de l’application (ou via le site internet) est la possibilité donnée de laisser un « tip », un pourboire pour le financer.

Lokiss, précurseur du style abstrait dans le graffiti français

Dans les autres geekeries, on signalera la possibilité d’acheter votre pass sous forme d’œuvres de Cart’1 en NFT, à laquelle s’ajoute un système de loterie pour bénéficier de goodies. Ou un espace avec des bornes d’arcade, car « l’esthétique du gaming a inspiré le graffiti », de la peinture en réalité virtuelle, ou des ateliers de robot-grapheur. Beaucoup d’innovations inédites qui ont inspiré à Cart’1 un « Lyoncorico » qui fait sa fierté. Parmi les à-côtés, on signalera aussi la présence d’instruments de musique à disposition du public (enfin, sauf la batterie, qui a été condamnée après deux jours) et en vente lors du festival, relookés par les graffeurs et les jeunes en insertion de l’Atelier Anamorphose.

les instruments relookés par l’Atelier Anamporphose

Philip Wallisfurth illumine une sombre édition 2022

On vous le disait, la substantifique moelle de cette édition se mérite. En effet, si peu d’œuvres attirent l’œil immédiatement, c’est parce que les thématiques choisies par les artistes sont à l’image de notre époque. On trouvera de nombreuses peintures traitant des conflits, avec des teintes assez sombres. Pour appuyer cette tendance, Cart’1, toujours : « on propose aux artistes de repeindre le mur en blanc, gris ou noir, avant leur arrivée. La plupart a demandé le noir » Même l’une des œuvres les plus claires, celle de Cibo porte son lot d’inquiétude : le graffeur italien recouvre les croix gammées avec des plats italiens dessinés, avec cette idée que la réunion du peuple italien se fera par la gastronomie… Une résistance qui se concrétise aussi par la présence d’Afnan, artiste yéménite en exil à Lyon…

Cibo
Au 1e plan, Afnan, placée fort à propos devant la Marianne de Raffu

On vous parlait d’absence de pièce maîtresse, là aussi l’effet est trompeur, à l’image de l’anamorphose du berlinois Philip Wallisfurth. Située au sous-sol immaculé, dont on attendait tant la réouverture, son œuvre abstraite et futuriste – l’une des autres tendances de cette édition – nécessite le point de vue adéquat pour dévoiler ses aplats. L’œuvre aura nécessité une semaine de nettoyage de l’espace, et 400 m3 de peinture – l’équivalent de 30 pots de peinture – pour apposer les trois couches de chacune des couleurs qui la composent.

Philip Wallisfurth, lors de la soirée d’inauguration de Peinture Fraîche 2022

À l’instar d’une viste au MAC, cette édition mérite donc d’être préparée afin de saisir pleinement les enjeux des propositions résolument plus engagées, militantes, que les saisons précédentes. Une préoccupation bien cernée par le maire de Lyon Grégory Doucet lors de son discours d’inauguration : « des murs blancs, c’est un peuple muet ».

Et si l’envie vous prenait de poursuivre la découverte des cultures urbaines dans le quartier Gerland, vous pourrez prendre un verre à la Cité des Halles devant l’exposition « Reborn, la street photo réinventée » proposée par Superposition, qui rend notamment hommage aux portraits d’Adrien Blanc, AKA Canardo, photographe lyonnais brutalement disparu en juin 2022…

Canardo, portraits
Canardo, « sans titre »

Peinture Fraîche
Halle Debourg, Lyon 7e
Du 12 octobre au 6 novembre 2022

Reborn, la street photo réinventée
Cité des Halles, 124 avenue Jean-Jaurès, Lyon 7e
Du 20 octobre au 20 novembre 2022

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