Qui es-tu, Boucherie Ovalie ?

Ah, Boucherie Ovalie… Au hasard d’une honteuse sérendipité, on les avait découverts sur Twitter (Twitter, c’est la vie, sachez-le). Et on les a vite aimés, ces alter ego rugbystiques des Cahiers du Foot (même si on ne comprenait pas toutes les blagues). En plus, Boucherie Ovalie publie des bouquins – enfin, deux pour le moment – plutôt drôles et validés par mon paternel et sa connaissance encyclopédique sur le sujet (autant dire que c’était un sacré test).
Ce samedi 10 février,
la librairie Decitre Confluence accueillera le collectif entre Rhône et Saône pour une séance de dédicaces de leur 2e opus, le Guide de survie au pays du rugby (éd. Marabout, à peine plus cher qu’un paquet de clope en 2022). La veille de la résurrection en Bleu de Lionel Beauxis (mais ils disent « Yionel », chez BO). Une épiphanie lyonnaise, en quelque sorte. À ne pas rater, donc.
Entre deux séances de Guildford illustré, entretien avec le localier de l’équipe Enchabal Masqué AKA JP Canut-Rives. AKA Bertrand Enjalbal, toulousain exilé en Lyonnésie et accessoirement au service de Rue89Lyon.

DR Boucherie Ovalie

Plusieurs rédacteurs composent Boucherie Ovalie, pourquoi  s’être lancé dans l’écrit et pas dans la création d’une équipe de rugby en championnat loisir FSGT ?
Parler d’un sport qu’on connaîtrait bien pour le pratiquer ? T’es con ou quoi ? C’est tellement mieux de rester caché derrière son écran. Faire du rugby en hiver je ne sais pas comment c’est possible. Faire du rugby toute l’année à Oyonnax non plus d’ailleurs. Je pense qu’on serait juste assez pour faire une équipe de rugby à 7 et cette version demande de beaucoup trop courir. D’ailleurs est-ce bien du rugby ? Certains pensent qu’on serait plus légitimes si on avait une carrière internationale derrière nous. Il suffit d’écouter les consultants à la télé pour se rendre compte que ça ne sert à rien. 

Avant de vanner des rugbymen, quelles précautions prennent les rédacteurs de BO dénués de masse musculaire avantageuse ?
Aucune. La majorité des rugbymen ne savent pas lire, on le sait. L’autre moitié n’est pas sur les réseaux sociaux. Nous n’avons des problèmes qu’avec notre conscience mais on ne fait rien pour la retenir non plus. On est serein. La Boucherie est un groupe qui vit bien et qui sait mettre les ingrédients.

DR Boucherie Ovalie

Être aussi nombreux pour écrire quelques vannes, à aucun moment ça ne vous amène à vous poser les bonnes questions ?
L’homme providentiel, l’artiste, le métronome, le « grandisse » à la baguette, on n’y a jamais cru. À part avec Yionel Beauxis. Tu penses vraiment que Vincent Moscato écrit ses spectacles tout seul ? Non. Même lui. Le mieux serait qu’ils n’aient jamais été écrits bien entendu. On croit aux valeurs de groupe, à l’humain, à l’intelligence collective et… Bon, en fait ça permet juste de répartir le travail et d’en faire moins. C’est assez drôle aussi d’essayer de deviner sur les réseaux sociaux qui se cache derrière le compte de la Boucherie en fonction des vannes. 

Au même titre que les SAS bouquinés en cachette à notre adolescence, pensez-vous que Boucherie Ovalie fait partie des lectures honteuses du microcosme rugbystique ?
Je ne suis pas assez introduit dans le milieu pour le savoir. Je pense que c’était vrai surtout au début, de moins en moins maintenant. C’est le plus grand danger : devenir mainstream

DR Boucherie Ovalie

Avez-vous comme ambition d’apporter un autre regard sur le rugby, de le rendre plus sympathique au grand public, alors que son jargon comprend des termes cabalistiques incompréhensibles comme « imanolarinordoki » ?
Je ne fais pas partie des fondateurs de la Boucherie et viens au soutien de temps en temps. J’aurai donc du mal à parler des ambitions de départ. Je pense qu’il était surtout question de bien rigoler puis petit à petit de titiller un sport et des fans peu habitués à ce genre d’humour et de commentaires. Tu es bien placé pour savoir que le foot est plus familier de ce genre de publications avec la causticité des Cahiers du foot notamment. Je crois savoir d’ailleurs que les Cahiers du foot étaient une source d’inspiration des Bouchers pure souche. Je pense que l’humour permet de rendre ce sport moins hermétique et moins repoussant. On parle quand même d’un sport surtout pratiqué dans le Sud-Ouest de la France et dans les campagnes. C’est dur d’intéresser le trentenaire des Pentes de la Croix-Rousse qui est capable de faire trois heures de queue dans la rue en hiver pour une vente de plantes dans un magasin éphémère. Mais aussi faudrait-il qu’on soit lus. 

Verra-t-on une Ligue de la Boucherie Ovalie qui réunirait sa communauté de lecteurs, ou le niveau mis par la Ligue des Cahiers du Foot est-il insurmontable ?
Je ne veux pas parler pour le grand chef à plumes de la Boucherie mais je pense que cela représente trop de sport. Tout simplement. On s’en tiendra aux congrès de la Boucherie qui réunissent les membres, quelques fans égarés, des connaissances fortuites au bar et beaucoup de bières. Et puis il faut entretenir le mythe de jeunes gens qui potentiellement savent jouer au rugby. En faisant ça on se rendrait sûrement compte qu’on est meilleurs au foot. Nos fans ne l’accepteraient pas. 

DR Boucherie Ovalie

Jean Lassalle aurait-il fait un bon président de la République ovaliste ?
Parfaitement ! Un peu à l’image de Bernard Laporte à la tête de la Fédération Française de Rugby. Voilà deux hommes dynamiques, avé l’accent du sud-ouest, bien dans leur époque, avec des idées d’avance, intègres et qui portent l’espoir que tout change enfin et qu’on en finisse avec les anciennes pratiques des pardessus ! Enfin de l’air ! #ohwait

À force de répéter en boucle que « l’important c’est les trois points », ne trouvez-vous pas que le football est un sport qui manque terriblement d’ambition ?
Joli. Je transmets ton CV à la Boucherie. Top 14 et Ligue 1 partagent sûrement une chose : ce sont deux championnats relativement pénibles à regarder. Le second a l’humilité (ou l’objectivité) de ne pas se prétendre comme le meilleur du monde. Après, dans le rugby tout le monde n’est pas aussi frileux que Guy Novès en bord de touche. Le championnat des franchises de l’hémisphère sud est beaucoup plus intense et débridé du point de vue du jeu.
Le rugby a de toute façon tué le débat depuis le début : tenter de gagner du terrain tout en se faisant des passes en arrière, c’est dès le départ montrer qu’on a une ambition folle. Ou qu’on est totalement con. 

Plein de jolis ticheurtes de bon goût sont disponibles sur la boutique du site de Boucherie Ovalie, pour info
(DR Boucherie Ovalie)

Je joue au foot, je n’y connais rien en rugby (au grand désarroi de mon paternel, qui a un niveau de Secrétaire de Rédaction au Midol) et pourtant j’ai ri en parcourant les deux volumes. Suis-je bisexuel ?
Soit tu as bon goût, soit tu es un hipster, soit tu fais beaucoup trop le fayot. Bisexuel, je ne peux pas te dire. Qu’est-ce qui te fait le plus d’effet ? Une saillie de Jean-Michel Aulas fustigeant l’argent qatari du PSG en recevant son chèque de ses actionnaires chinois ? Ou les valeurs du rugby portées par Bernard Laporte qui signe un contrat de com avec un président du Top 14 lui-même sponsor de l’équipe de France et donc de la Fédération ? Fais gaffe, tu vas te rendre compte qu’en fait tu es abstinent.

Lyon et le LOU (c’est dans la banlieue rugbystique de Bourgoin ou Clermont, pour info) sont-ils compatibles avec la culture rugby, tant la pudeur lyonnaise est loin de la ferveur houblonnée qui règne au stade Mathon d’Oyonnax, l’autre club régional ?
Je vais être honnête, ce sera sûrement la seule fois durant cette interview. J’aime bien me foutre de la gueule du LOU, de ses supporters et de l’ambiance au stade. Venant d’un Toulousain, c’est limite du mépris de classe. Je dois me servir du rugby pour retourner l’avantage psychologique de Lyon, ville plus grande, plus riche et sûrement plus classe que Toulouse aux yeux de beaucoup. Mais pour aller encore de temps en temps au stade à Toulouse, je pense qu’il y a malheureusement aussi peu d’ambiance à Gerland qu’aux Sept-Deniers (oui, j’emploie toujours l’ancien nom du stade de rugby de Toulouse). Alors oui, l’ambiance lyonnaise dans la ville ou dans le stade est sûrement peu compatible avec l’image du rugby haricot-gigot mais elle y est sûrement aussi versatile qu’ailleurs. Pas partout quand même.

DR Boucherie Ovalie

Votre venue à Lyon ne cache-t-elle pas une énième action de lobbying – gagnant – pour voir Yionel en Bleu, et une excuse pour lui faire des bisous au passage ?
On pourra voir Yionel en bleu à la télé depuis Lyon ! Quel plus bel hommage ? Je pense que notre venue à Lyon consiste avant tout à vérifier si les supporters du LOU existent bel et bien. En fait je crois qu’on vient vérifier tout simplement si Lyon existe. Si personne ne sait où se trouve Oyonnax, je crois que beaucoup en France se demandent si Lyon est bien réelle où s’il s’agit d’une ville témoin, la bonne élève qu’on prend toujours en exemple, mais où personne n’est jamais allé.

Samedi 10 février 2018 : Boucherie Ovalie – Dédicace Lyonnaise
Librairie Decitre Confluence, samedi 10 février de 16h à 18h30

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